Pays à vendre, Sabine Wespieser, 2018
« J’enterrais mes quarante-quatre ans au Léon, bar bien connu, sorte de mosaïque d’un Sisteron baladeur et égaré, où se côtoient pêle-mêle routiers, zonards, prolos, vieux canassons et petits Beurs, avec par bonheur… de temps à autre, quelques silhouettes féminines occupées à siroter des vodkas orange. […] J’étais privé dans la région parisienne dans les fameuses années 1960. À cette époque je pataugeais comme bien des privés dans la semoule habituelle. Fugueurs jamais retrouvés, surveillances fastidieuses, problèmes immobiliers, histoires d’adultère, extorsions de fonds, filatures, etc. – pas de quoi pavoiser. Si bien qu’en 1971, j’ai atterri avec une toute petite valise à la porte des Alpes. Sisteron, une ville laborieuse de commerçants, où seules la citadelle, cette grande dame noire, et les montagnes environnantes, de belles dames blanches, semblaient attester que les gens du coin pouvaient avoir de temps à autre un peu d’imagination et quelque chose de plus. « On cherche aussi, nous autres, le grand secret. »