Ceux qui partent, Actes Sud, 2019
Tout ce que l’exil fissure peut ouvrir de nouveaux chemins. En cette année 1910, sur Ellis Island, aux portes de New York, ils sont une poignée à l’éprouver, chacun au creux de sa langue encore, comme dans le premier vêtement du monde. Il y a Donato et sa fille Emilia, les lettrés italiens, Gabor, l’homme qui veut fuir son clan, Esther, l’Arménienne épargnée qui rêve d’inventer les nouvelles tenues des libres Américaines. Retenus un jour et une nuit sur Ellis Island, les voilà confrontés à l’épreuve de l’attente. Ensemble. Leurs routes se mêlent, se dénouent ou se lient. Mais tout, dans ce temps suspendu, prend une intensité qui marquera leur vie entière.
Face à eux, Andrew Jónsson, New-Yorkais, père islandais, mère fière d’une ascendance qui remonte aux premiers pionniers. Dans l’objectif de son appareil, ce jeune photographe amateur tente de capter ce qui lui échappe depuis toujours, ce qui le relierait à ses ancêtres, émigrants eux aussi. Quelque chose que sa famille riche et oublieuse n’aborde jamais. Avec lui, la ville-monde cosmopolite et ouverte à tous les progrès de ce XXe siècle qui débute. L’exil comme l’accueil exigent de la vaillance. Ceux qui partent et ceux de New York n’en manquent pas. À chacun dans cette ronde nocturne, ce tourbillon d’énergies et de sensualité, de tenter de trouver la forme de son exil, d’inventer dans son propre corps les fondations de son nouveau pays. Et si la nuit était une langue, la seule langue universelle ?
Entre le roman et la poésie, le travail de Jeanne Benameur se déploie et s’inscrit dans un rapport au monde et à l’être humain épris de liberté et de justesse. Une œuvre essentiellement publiée chez Actes sud pour les romans. Dernièrement sont parus : Profanes (2013, grand prix du Roman RTL/Lire), Otages intimes (2015, prix Version Femina 2015, prix Libraires en Seine 2016) ou L’enfant qui (2017).
© Patrice Normand
En collaboration avec la bibliothèque Inguimbertine