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Rencontre avec Jean-Louis Carribou

12 septembre 2023 - 18h30

Mardi 12 septembre à 18h45

Au bout du monde (19€) :
Un enseignant à la retraite se retrouve désemparé pendant le désœuvrement forcé de la dernière pandémie. Ses multiples engagements associatifs suspendus, il se retrouve totalement vacant de corps et d’ esprit, isolé dans sa maison au milieu des bois, dans la solitude des grands espaces sauvages de haute- Provence.
Alors, il se replonge dans de vieux souvenirs et revit un autre confinement, celui qu’il vécut il y a plus d’un demi-siècle, coupé du monde par huit kilomètres de route enfouie sous la neige six mois de l’année, dans la haute vallée de l’Ubaye.
C’était aux confins de la Provence et de la France, aux portes du Dauphiné et de l’Italie, au bout du monde.
Il s’était retrouvé affecté en qualité d’instituteur pour son tout premier poste, dans le minuscule hameau de La Barge à près de mille neuf cents mètres d’altitude et c’était par mesure disciplinaire : il avait « fait le mur » de l’Ecole normale deux ans auparavant et avait refusé de se présenter au Conseil de discipline. L’administration lui avait réservé le poste considéré comme le plus déshérité des Basses Alpes, peut-être même de France.
Il avait donc quitté les collines basco – béarnaises de ses Pyrénées natales et parcouru près de mille kilomètres pour atteindre ce lieu de perdition. Et c’est dans cette perdition sans nom qu’il avait vécu l’exaltation d’une aventure inoubliable.
Depuis longtemps, il envisageait d’écrire son « aventure » mais ses activités professionnelles auxquelles s’ajoutaient ses implications associatives et humanitaires l’en avaient empêché.
C’est alors que le retraité exhume de ses archives personnelles les vieilles photos en noir et blanc, les cinq exemplaires de son « journal de classe » et s’immerge encore plus dans la nostalgie de ses souvenirs devant la première page blanche posée devant lui. Le passé s’écoule de sa plume, les pages noircies s’accumulent, l’aventure humaine est ressuscitée. Elle est là maintenant, dans ces feuilles vivantes, toutes grouillantes d’une nouvelle vie aussi vraie que celle d’autrefois. C’est le miracle de l’écriture.
Au fil des pages, le narrateur nous dévoile tout d’abord son attachement à ses racines rurales au fin fond du Pays basque profond et du Béarn de sa ferme paternelle. Il nous confie surtout comment sa perception du doux pays de son enfance a été transfigurée par le philtre lyrique de ses lectures. Car il a un penchant débordant pour la littérature, la poésie en particulier ; il vit sa vie à travers les pages des auteurs qui lui sont révélés au hasard de ses trouvailles, quand Huguette, la petite bergère « jolie à la joue … et partout » lui confie ses livres préférés, ou quand Jacqueline, sa voisine étudiante, lui prête quelques ouvrages de sa bibliothèque, ou encore quand il déniche dans le grenier de sa maison natale quantité de « classiques » des collections Larousse ou Hatier.
C’est ainsi qu’il s’imprègne des poèmes ardents d’Anna de Noailles lus et relus dans « Le cœur innombrable » si bien nommé de cette poétesse passionnée, qu’il s’identifie aux héros de l’écrivain béarnais Joseph Peyré avec lesquels il fait quelques escapades dans les sables du Sahara ou dans l’ascension du célèbre sommet autrichien « Matterhorn », et même quelques incursions hasardeuses pas toujours comprises en compagnie austère des philosophes Pascal et Descartes. Enfin, plus proches du terroir, George Sand, Pierre Loti et Jean Giono vont lui révéler les beautés secrètes de la Nature avec lesquelles leurs personnages vivent en harmonie fusionnelle. Sans oublier les romans alpins de Roger Frison Roche et ceux du Grand Nord avec Jack London qui vont le prédisposer à sa fascination pour le monde de la montagne et des grandes solitudes enneigées.
Et c’est nourri de ce bouillon de culture que le jeune enseignant va débarquer dans ces montagnes de haute Provence, une Provence « peu connue, pauvre, éloignée des routes, sans touristes heureusement » , la Provence de Giono.
Il en avait rêvé depuis longtemps de ce haut pays où l’auteur de « Regain » et de « Que ma joie demeure » l’avait plongé, un pays mystérieux mais ancré dans sa géographie rurale, lui rappelant la ferme paternelle encore toute frémissante de ses souvenirs d’enfance.
Une quinzaine de maisons dont quatre seulement habitées, toutes fleurant bon la paille et la chaleur des troupeaux, quatre élèves dans sa petite école, des sommets à plus de trois mille mètres d’altitude, c’est le ravissement.
L’affectation punitive du jeune maître devient un petit paradis dès les premiers jours et c’est le comble du bonheur quand il apprend que sa délicieuse prison sera bientôt, après les premières neiges, isolée du reste du monde par huit kilomètres de route non déneigée. Il devra vivre dans son oasis cinq à six mois !
Un hiver redouté par les habitants qui doivent engranger toutes leurs provisions de survie durement arrachées à ces terres d’altitude car ils vivent comme leurs ancêtres et depuis la nuit des temps, en autarcie quasiment complète grâce à leurs maigres récoltes, à leurs troupeaux, leur cochon, la volaille, les ruches …et même des confitures d’ « agolence » , patiemment confectionnées par les femmes avec les seuls fruits comestibles qui se hissent si haut, les fruits de l’églantier, bien plus connus sous le nom de « gratte- cul » qui fait rire les enfants , que sous celui, plus savant, de cynorodhon.
Mais il faudra quand même acheter à l’épicier ambulant quelques compléments de confort tels que le sel, le poivre, le tabac, le savon, sans oublier le tonneau de vin.
Quand la route est ensevelie sous la neige, chaque maison devient une arche de Noé, prête à affronter le terrible hiver. Les femmes surtout le redoutent cet hiver qui va les couper du monde, les vieilles comme les jeunes. L’une d’elles, d’ailleurs, Colette, une jeune fille de seize ans aborde cette perspective dans l’angoisse que nous laisse deviner le narrateur. C’est elle qui prend la parole dans quelques-uns des chapitres et qui raconte son désir d’évasion vers les pays d’en bas.
C’est le contre – chant de l’auteur qui, lui, jubile à l’idée de vivre cette expérience comme l’un des héros des romans de Jack London. L’un et l’autre rapporte la vie quotidienne et nous fait part de ses préoccupations. L’un est impatient de connaître enfin l’isolement dans la neige et la nécessité d’apprendre à skier. Il est ravi de découvrir les multiples tâches paysannes de ces montagnards, parfois même de les partager. Il admire le facteur des neiges qui fait sa tournée skis aux pieds jusqu’au dernier hameau de la vallée, soit vingt kilomètres aller- retour, presque tous les jours.
Il adore cette vie recluse, consacrée à ses quatre élèves, parfois aux courses en montagne, souvent à la lecture de ses amis les livres dont il a fait provision de deux caisses pour les longues soirées hivernales. Elle, elle s’ennuie dans de menus travaux ménagers toujours répétés et la solitude insupportable, elle n’a qu’une envie, descendre en ville, vivre en ville, voir du monde, bouger, vivre ce qu’elle appelle « la vraie vie » pendant que le maître savoure sa vie ici dans ce cloître des montagnes et son refuge dans les livres.
Et puis il a son métier, lui, qui l’occupe beaucoup, c’est sa première année d’enseignement. Il y a d’abord la visite de l’inspecteur avant la première neige, son rapport d’inspection et la remarque qui l’a beaucoup meurtri : « Le maître fait preuve d’une aisance qui frise la désinvolture ». Désinvolte, le maître ? Il s’emploie pourtant à dispenser le meilleur enseignement possible à ses élèves qu’il aime bien. C’est chose facile, il est presque le précepteur de chacun de ses quatre élèves.
Il y a aussi les repas partagés trois fois par jour car il prend pension dans la famille de Colette, il fait presque partie de la famille.

Le livre « Au bout du monde » nous fait ainsi découvrir, en alternance, la réclusion de ces montagnards piégés dans leur neige et l’aventure immobile et studieuse du jeune maître replié dans son cocon.

Détails

Date :
12 septembre 2023
Heure :
18h30
Catégories d’Évènement:
,

Organisateur

librairie la Ruelle

Lieu

Librairie La Ruelle
18, place du Général de Gaulle
Digne, 04000
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Téléphone :
04.92.31.50.19